Youssou N’Dour I bring what I love (Elizabeth Chai Vasarhelyi, 2008): chronique cinéma

YOUSSOU N’DOUR I BRING WHAT I LOVE
Un film de Elizabeth Chai Vasarhelyi
Avec Youssou N’Dour, Peter Gabriel, Fathy Salama, Kabou Gueye, Moustapha Mbaye, Neneh Cherry
Genre: documentaire musical
Pays: USA, France, Egypte, Sénégal
Durée: 1h42
Date de sortie: 31 mars 2010

Deux ans dans l’intimité du chanteur sénégalais mondialement connu, Youssou N’Dour lors de ses déplacements pour les concerts avec son groupe de rock de Dakar, Super Etoile, et la sorti d’un album au résonances religieuses, Egypt, enregistré au Caire avec l’orchestre de musique traditionnelle de Fathy Salama. Deux années où l’on découvre le quotidien du chanteur, aussi bien sur scène ou avec sa famille, son activité humanitaire et sa pratique d’un Islam modéré. Considéré en Afrique comme l’un des artistes les plus important, Youssou N’Dour a conscience de son statut mais n’en n’oubli pas pour autant là d’où il vient, d’une tradition du chant sénégalais, héritage de sa grand-mère. Habituellement représentant du Mbalax, style de rock africain, ce dernier album Egypt, plus personnel, lui permet de remporter aux Etats-Unis un Grammy Award qui fera la fierté de toute la nation sénégalaise après de vive polémique sur le contenu religieux de ces chansons. Portrait chaleureux et éclectique de l’artiste, I bring what I love se fait l’écho du message humaniste que tente de faire passer le chanteur.

Véritable icône de la musique pop africaine depuis son duo avec Peter Gabriel en 1985 et son single de platine pour la chanson 7 seconds avec Neneh Cherry en 1994, Youssou N’Dour n’a cessé de parcourir le monde pour transmettre ses rythmes et sa voix si particulière à un public de plus en plus métissé. Que ce soit à Dakar, dans son propre night club, ou à Paris et à New York pour son rendez-vous annuel du Grand Bal Africain, partout le même succès populaire, le même enthousiasme pour une musique festive et entraînante. Le film pourtant fait découvrir aux spectateurs une facette plus originale de l’artiste, celle plus intime d’un pratiquant respectueux de l’Islam. De sa volonté de transmettre un message positif sur les saints de la religion du Prophète va naître une polémique sans précédent au Sénégal. Ses détracteurs souligneront le paradoxe, à leur yeux blasphématoire, d’un artiste populaire portant en chansons les paroles vénérables et sacrées de ceux qui ont amené la religion musulmane au Sénégal. Mais pour Youssou N’Dour, chanter sa religion est un acte aussi naturel que chanter le quotidien de ses contemporains.

Engagé dans une démarche de transparence et de tolérance vis-à-vis de sa foi, le chanteur est également un Ambassadeur de L’UNICEF sur les thèmes de la santé publique et de la médecine préventive. Le film dévoile, sans pudeur mais avec un respect, les multiples facettes de l’artiste tout en soulignant sa dimension profondément humaine et accessible car Youssou N’Dour ne se coupe jamais des siens et de son public. La réalisatrice, Elizabeth Chai Vasarhelyi, instaure une complicité entre sa caméra et son sujet, une complicité qui se construit tout aussi bien lors des nombreux concerts que donne le chanteur, mais également lors des entretiens parfois informels auxquels se livrent ses proches. Plus surprenant, le documentaire propose une autre image du Sénégal. Loin de l’habituelle image de destination touristique, le pays témoigne de traditions folkloriques et religieuses complexes et variées qui ont survécu au colonialisme français, procurant au film un certain cachet à la fois exotique et quotidien.

Le film insiste sans restriction sur la joie de vivre de façon tolérante, notamment à travers la musique, véritable lien social au Sénégal. Par ces sons rythmés et entraînant, Youssou N’Dour affirme également une certaine vision de l’Afrique, une Afrique moderne et optimiste qui laisse de côté les sempiternels références à la misère et la guerre qui en effet, gangrènent certaines régions du continent. Emprunter le chemin de la notoriété internationale est aux yeux du chanteur une voie privilégiée pour passer ce message sans pour autant faire de sa musique un art exclusivement militant. La dimension populaire de ses compositions est une caractéristique essentielle selon lui, une façon de toucher le cœur des gens qui maintient sa pratique de la musique dans l’héritage du chant griot dont sa grand-mère fut une éloquente représentante. I bring what I love dévoile cette richesse sénégalaise avec sincérité et sans détour et ravira les aficionados de world music.

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