Les déshérités (Carl Theodor Dreyer, 1922): chronique TV

LES DESHERITES / AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES
(Die gezeichneten)
Un film de Carl Thedor Dreyer
Avec Polina Piekowskaia, Vladimir Gajdarov, Thorleif Reiss, Adele Reuter-Eichberg, Sylvia Torf, Hugo Döblin, Johannes Meyer
Genre: drame
Pays: Allemagne
Année: 1922

Dans la Russie pré-révolutionnaire de 1905, le destin de la jeune Hanne-Liebe, juive rejetée par les villageois à la suite d’une fausse rumeur de péché de chair. Elle décide alors de rejoindre celle qu’elle aime, Sasha, à Saint-Pétersbourg, là où vit également son grand frère, Jakow, converti au christianisme et désormais avocat riche et reconnu. Dans la grande ville la colère gronde et les groupes révolutionnaires sont en marche. Sasha est l’un des leurs et se prépare à se sacrifier pour donner l’assaut contre la tyrannie du Tsar. Son modèle, Rylowitsch, est en fait un espion à la solde de la police secrète. Sasha est arrêté ainsi que Hanne-Liebe. Libérée grâce à son frère, elle est obligée de regagner son village natal. Dans les campagnes, les idées révolutionnaires se répandent en même temps qu’une haine profonde des Juifs. Rylowitsch, grimé en prêtre chrétien, sème dans la campagne l’anathème sur le peuple d’Abraham, excitant les vieilles rancunes religieuses.

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Quatrième film du cinéaste danois Carl Theodor Dreyer, Les déshérités (autrefois conu sous le titre Aimez-vous les uns les autres) fut récemment restauré grâce à une copie conservée à la Cinémathèque de Toulouse. Film très rare, il est pour la première fois diffusé à la télévision sur Arte. Film de jeunesse Les déshérités manque de rigueur narrative au point que les nombreux cartons sont absolument nécessaires à la compréhension de l’histoire. Véritable drame historique, Dreyer nous conte le temps des premiers pogroms qui eurent lieu dans la Russie tsariste au moment même où les premières actions révolutionnaires déstabilisent le régime. Plus que le destin d’un peuple, c’est avant tout le destin d’une jeune femme pure qui nous est raconté. Hanna-Liebe est l’image même de la figure innocente rattrapée par son origine raciale et religieuse que le rouleau-compresseur de l’Histoire n’épargnera pas.

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Le film démontre déjà une certaine qualité esthétique, notamment dans les nombreux gros plans sur les visages des protagonistes, visages ravagés par le doute, la colère ou encore la peur. Les comédiens, essentiellement issus d’une troupe de théâtre russe, incarnent à merveille ces personnages ballotés par les affres d’une révolution en marche et par la haine qui s’immisce dans les coeurs. Ce film muet est malheureusement accompagné d’une partition musicale composée pour l’occasion, une partition totalement hors sujet tant la musique ne prend pas en considération les images qu’elle est censée mettre en valeur. Au contraire la musique se développe pour elle-même sans jamais prendre en compte l’affect des personnages. une partition qui joue donc contre le film, une habitude qui se répand malheureusement de plus en plus dans les ciné-concerts. Mais ce défaut majeur ne doit pas empêcher d’apprécier ce film fort rare de l’un des plus grands cinéastes du XXème siècle. A noter que le film sera rediffusé sur la chaîne les 7 et 12 avril prochain.

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