Joueuse (Caroline Bottaro, 2008): chronique cinéma

JOUEUSE
Un film de Caroline Bottaro
Avec Sandrine Bonnaire, Kevin Kline, Francis Renaud, Jennifer Beals, Alexandra Gentil, Alice Pol, Elisabeth Vitali
Genre: comédie dramatique
Pays: France
Durée: 1h37
Date de sortie: 5 août 2009

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Dans un petit village corse, Hélène est une femme de ménage sans histoire qui mène sa vie quotidienne avec son mari, Ange, et sa fille, Lisa. Très amoureuse de son mari, Hélène avait tout quitté pour venir vivre avec lui mais les années passées, leur relation s’est peu à peu muée en tendre affection. Un jour Hélène observe un couple de clients à l’hôtel où elle travaille, un couple passionné jouant aux échecs. Intriguée et séduite par leur complicité dans le jeu et dans leur amour, la scène éveille chez elle une curiosité nouvelle. Lorsqu’Hélène décide d’en apprendre un peu plus sur ce jeu, c’est une véritable passion qui commence à naître, une passion qui va bouleverser sa vie au point de remettre en question son couple. Pour progresser et s’affirmer, elle va s’adresser au Docteur Kröger, une sorte de vieil ermite réfugié dans une grande bâtisse chez qui elle fait régulièrement le ménage. Si la méfiance se lit dans son visage au premier abord, la détermination de la jeune femme va très vite le séduire. Commence alors pour Hélène une nouvelle vie…

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Film romantique qui pousse la passion jusqu’à l’obsession, Joueuse nous plonge dans un univers à la fois mental et sentimental. La découverte de ce jeu intellectuel va ouvrir dans l’esprit de cette femme mariée de nouvelles portes insoupçonnées. Guidée par la figure de la reine, la pièce la plus puissante de l’échiquier, Hélène se met à l’épreuve du monde en adoptant les règles du jeu, ses stratégies, ses tactiques, sa logique d’attaque et de défense. Prendre des risques au risque de tout perdre justement, plutôt que de ne pas en prendre et perdre irrémédiablement. Les échecs seront non seulement l’occasion pour elle de sortir de son quotidien un peu terne, de sa relation trop passive avec son mari, mais aussi de dépasser sa condition sociale, très modeste, car en face de l’échiquier disparaît toute identité, toute origine. Les adversaires n’ont que leur seule intelligence pour s’affronter.

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Le film est à la fois très sobre et très juste dans ce portrait sensible d’une femme qui s’épanouit tout à coup. Sandrine Bonnaire, merveilleuse et lumineuse, compose un personnage par petites touches convaincantes faites de sourires et de regards perdus de celle qui vient de tomber amoureuse. Passion ambiguë envers un jeu et un professeur reclus qui va mettre tout le village en émoi et déstabiliser le couple. Hélène trouve moins chez Kröger la satisfaction d’un manque, qu’une véritable complicité dans le jeu, une complicité née de l’adversité ; un homme contre une femme, un employeur contre une ménagère, un bourgeois contre une prolétaire. Hélène retrouve aussi le plaisir individuel, la satisfaction de soi-même et cette confiance qu’elle avait perdu en faisant le choix de suivre son mari, de vivre pour lui. Hélène se réveille, (littéralement la première image du film), s’éveille puis s’illumine et s’épanouit.

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Face à elle le docteur Kröger, magistral Kevin Kline, se métamorphose également. Craintif à l’égard des autres, misanthrope, il vit reclus au milieu des souvenirs de sa femme décédée, souvenirs silencieux mais présents dont il taît par ailleurs la mémoire. La détermination de la jeune femme va piquer sa curiosité, une curiosité naturelle qu’il entretenait autrefois par les livres. Kröger est plus fragile que menaçant et sa nature séduisante va peu à peu se laisser découvrir au contact de cette ménagère si particulière. Le couple Bonnaire/ Kline fonctionne à merveille, leur complicité prend forme sur l’écran jusqu’à l’apogée du dernier dialogue, une partie d’échec mental où chacun déplace ses pions en esprit. Un film magnifique d’une justesse et d’une richesse qui nous parle d’amour, autrement.